Willow Tillborow + Maybe it's madness

Willow a vu le jour à la Cour des Lumières, comme une réponse inespérée aux supplications d'une mère en deuil après la perte de son premier enfant. Son frère ainé n'a pas survécu à sa propre naissance, trop fragile pour exister, c'est ce que l'on a rapidement expliqué à la jeune fée. Elle-même, pourtant, est venue au monde sans problème majeur. Bébé qui n'avait pas être besoin d'être échangé, sa naissance a été parfois source de jalousie dans les familles féériques occupées à entretenir l'enfant Terrestre qui prenait la place de leur propre nouveau-né. Cette jalousie, Willow l'a ressenti dans la tristesse et la sur-protection de sa mère à son égard, dont elle s'est rapidement émancipée. Mais ce ne fut pas sans conséquences ; les angoisses de sa mère ont forgé les siennes, la rendant plus fragile qu'elle ne l'était en naissant. La poussant, également, à chercher son souffle dans la liberté, échappant à son propre foyer en disparaissant des journées entières en quête d'autres choses que des mises en garde de sa mère. Ceux qui la connaissaient bien n'avaient aucune difficulté à la retrouver, tapie dans un bosquet de fleurs, à manipuler cette végétation pour faire taire ses propres angoisses. Elle en est venue à la conclusion que la maternité n'était pas une bonne chose, en voyant sa mère dépérir d'inquiétude pour elle.

Pourtant, c'est auprès des enfants que Willow avait tendance à s'épanouir le plus lorsque, arrivée à l'adolescence, il lui arrivait souvent de veiller sur les plus jeunes habitants de la Cour des Lumières. À 18 ans, il lui fut proposé de mettre ses talents d'observation et ses capacités maternelles au service d'une tradition qui aurait pu sauver son frère. Une tradition qui lui permettait, qui plus est, d'échapper au regard étouffant de sa mère. Willow n'a jamais vraiment vu le fait de grandir au sein de sa famille biologique comme une chance ; les fées revenant d'une enfance passée chez les Terrestres avaient tant de choses à raconter, tant d'expériences à partager qu'elle se sentait un peu mise de côté. Même si elle avait eu l'avantage d'expérimenter sa magie sous le regard de fées plus expérimentées, même si elle avait un meilleur niveau de maîtrise que ses pairs revenus d'une autre  vie, elle ne pouvait pas vraiment s'empêcher de se demander si son enfance aurait pu être moins stressante dans une famille Terrestre. Aurait-elle été la même si une autre mère l'avait élevée ? Cette question se cristallisa avec sa nouvelle responsabilité. Observer les Terrestres, déterminer les familles les plus aptes à être bienveillantes et fonctionnelles et organiser les échanges entre les bébés Terrestres et leurs propres nouveaux-nés féériques ; voilà les tâches qui lui était confiées. Elle a toujours été douée pour ça ; entre un sens de l'observation affuté et une mémoire quasi parfaite, il lui a toujours été facile de fournir des informations et de déterminer dans quelle famille les échanges pouvaient avoir lieu. En 14 années à superviser des échanges, Willow ne s'est jamais trompée, poussée par son instinct. Elle avait parfaitement compris toutes les nuances de la parentalité, saisit tous les enjeux d'une telle responsabilité... mais l'idée d'accéder elle-même un jour à ce statut n'a jamais cessé de la terrifier.

Willow menait une vie simple, finalement. Avec les années, elle s'était éloignée de sa propre mère, s'était construit sa propre vie au sein de la Cour des Lumières. Elle avait un cercle d'amis solide, avait appris avec eux à manipuler les mots pour les rendre plus dangereux que les mensonges vulgaires, avait appris à leurs côtés à aimer ses spécificités. Et l'épidémie arriva, saccageant une vie simple. Une vie qu'elle aimait. Une communauté au sein de laquelle elle avait grandit. Fuir fut la décision la plus difficile à prendre de sa vie. Du moins, jusqu'à celle qu'elle eut à prendre peu de temps après. Parce qu'il y avait une famille Terrestre qu'elle observait depuis des mois, à cause de la femme qui rayonnait de bonheur en berçant son ventre. Cette femme était tout l'inverse de celle qui l'avait élevée ; il émanait d'elle une telle joie et un tel apaisement qu'elle paraissait presque irréelle aux yeux de Willow. Elle s'était surprise à admirer cette famille. À admirer la façon calme dont ils préparaient l'arrivée de leur enfant. Ils étaient les candidats parfaits. Les parents que Willow aurait rêvé d'avoir. Et c'est sûrement pour cette raison qu'elle a fait ce détour, qu'elle est passée par chez eux, lorsqu'elle a fuit la Cour des Lumières. Jamais – elle le savait – ils n'auraient laissé leur nouveau-née sans surveillance. Et pourtant, la petite Terrestre était là, à hurler dans le berceau que ses parents avaient eux-mêmes construits, complètement seule.

Willow ne sait pas exactement ce qui l'a poussée à prendre la décision d'entrer dans cette maison, de fourrer des affaires de puériculture dans un large sac et de se sauver avec la petite Ellie dans une écharpe de portage. Coup de folie ou instinct ; Willow ne le saura probablement jamais. Mais c'est bien avec elle que la rayonnante petite Ellie grandit depuis cinq mois. Rayonnante, comme la mère qui lui a donné naissance. Et en dehors de l'épidémie, en dehors de tout ce qui se passe autour d'elle, Willow craint d'étouffer la capacité d'Ellie à rayonner, avec ses propres angoisses. Pourtant, jusque là, elle a démontré une réelle capacité à prendre soin d'un nouveau-né, mettant à profit toutes ses compétences pour troquer tout ce qu'elle pouvait pour assurer à Ellie d'avoir toujours tout ce qui lui fallait. Troquer et marchander sont vite devenus ses nouveaux talents ; trop maligne pour se faire avoir par un troc peu équitable, trop manipulatrice pour ne pas trouver un profit supplémentaire dans ce qu'elle mettait en place, elle est vite devenue indispensable au fonctionnement des Burn in Hell. Elle s'assure que chaque promesse soit tenue, que chaque troc soit respecté, avec une rigueur que seules les fées peuvent avoir - ou, du moins, c'est ce qu'elle aime croire. Elle s'assure que personne n'essaie de fragiliser cette communauté dans laquelle elle a pu trouver refuge au début de toute cette sombre histoire et dans laquelle elle peut mettre Ellie en relative sécurité ; c'est le plus important à ses yeux, désormais.