{Libre - FB} What did I do again ?

Assise sur cette vieille balançoire bringuebalante, Katherine se laissait vaguement balancer en donnant de temps en temps une petite pression de ses jambes. Le regard dans le vide, on pourrait presque croire qu’elle attendait simplement que le temps passe, alors qu’en fin de compte, l’adolescente était prise d’une intense réflexion. « Par l'ange Raziel, Katherine réfléchit », voilà ce que certains pourraient se dire, alors que la jeune avait plutôt tendance à agir sans passer par la case « ah tiens, j’ai un cerveau, et si je l’utilisais ? ». Elle préférait ne pas se poser cette question et faire ce qui lui plaisait, sans tenir compte des réelles conséquences que ses actions pouvaient engendrer, ni même sans se soucier de ce qu’en penseraient les autres. Et elle le savait, que son attitude pouvait déplaire. Kath’ ne comptait plus le nombre de fois où on le lui avait reproché, d’être bien souvent un peu trop nombriliste. Mais cette… guerre ( ? ) ce n’était pas la sienne, alors elle en avait plus qu’assez qu’on lui dise constamment quoi faire. Où était donc cette époque où on la laissait libre d’agir à bon entendement ? Où personne ne lui reprochait quoi que ce soit sur son manque de volonté à être le parfait petit pion de ce monde. Un temps qui semblait si loin aujourd’hui…

Pour ceux qui se demandait ce que Kath’ faisait là, sur cette vieille balançoire grinçante, et bien la réponse était toute simple. Encore une fois, elle avait agi de travers, des reproches lui avaient été fait et la jeune était sortie en claquant la porte et en gueulant sur ce monde de merde. Cette fois, ce n’était pas Amara qui lui avait fait le moindre reproche. Bien que là, Katherine attendait à tout moment de voir sa sœur débouler pour lui faire la morale sur l’importance de faire attention, que dehors c’était bien plus dangereux qu’elle semblait le croire, et patati et patata. Elle n’en disait rien, mais ce n’était qu’une perte de temps de le rappeler à l’adolescente. Katherine le savait que le monde n’était plus le même, que le danger pouvait être partout et bien plus imprévisible qu’auparavant. Il y avait eu assez de morts comme ça pour le lui prouver, mais malgré tout, elle voulait continuer de mener sa vie de petite princesse superflue. Et si auparavant, elle menait des études en secret pour prouver qu’elle n’était pas qu’une moins que rien et atteindre son but, à quoi bon ça servait maintenant ? Alors oui, cela avait peut-être été stupide de sortir pour chercher une tablette de maquillage, mais ils ne se rendaient pas compte à quel point elle en avait besoin. Au moins, cela lui permettait de se rattacher à une chose du passé qui, lui, ne changerait pas.

Des bruits de pas sortirent Katherine de sa réflexion. Sans réellement tourner la tête, se doutant que l’origine de ces bruits venaient de quelqu’un, l’adolescente ne put retenir son soupir.

— Si c’est pour me faire la morale, autant prendre la porte.

Elle n’était pas d’humeur pour une nouvelle explication sur l’importance de respecter les règles, de faire attention et de veiller les uns sur les autres. Alors oui, si elle avait été en mauvaise position, d’autres auraient dû se mettre en danger pour elle. Mais encore une fois, Kath’ n’en avait rien demandé.

Installée sur sa balançoire, Katherine ne s’était pas vraiment attendue à ce qu’on l’y rejoigne. Comme souvent lorsqu’on lui prenait la tête, l’adolescente se débrouillait pour gérer seule sa frustration, n’ayant pas réellement d’autres choix. Ou elle expulserait sa colère, ou alors ça exploserait de nouveau dès lors que la moindre remarque lui serait faite. Lors de ces moments, Kath’ devenait un véritable volcan, mais sans réellement le vouloir. Son caractère aussi explosif n’était qu’une conséquence de la surprotection qu’elle avait reçu plus jeune, alors que désormais, elle ne comprenait pas pourquoi on lui demandait d’avoir une attitude qui n’était pas la sienne. Pourquoi l’on voulait d’elle qu’elle joue un rôle qui n’était pas le sien. Katherine avait beau être née Shadowhunter, elle n’y voyait pas là le même honneur que d’autres voyaient. Pour elle, ce n’était qu’une formalité, rien de plus.

Alors quand elle entendit quelqu’un la rejoindre, autant dire que l’adolescente n’était pas encore réellement d’humeur à accepter de la compagnie. Les mots étaient sortis sont qu’elle ne veuille les contenir, sans se soucier de blesser celui ou celle qui pouvait s’enquérir de son état. Dans son esprit, personne ne se soucierait de si elle allait bien ou non et que, par conséquent, si on venait la voir, c’était forcément pour en rajouter une couche. Autant dire qu’elle fut surprise de voir que c’était William et son regard se détourna vers le sol quand il lui signifia avec calme qu’il ne lui ferait pas la morale. C’était vrai, mais il était le fiancé d’Amara, donc il devait forcément être d’accord avec sa grande sœur sur le manque de responsabilité de la plus jeune. Il ne pouvait pas vraiment en être autrement.

Mais une autre surprise l’attendait, alors qu’il s’inquiéta de savoir comment elle allait. Katherine avait beau avoir découvert l’art de jouer la supercherie pour ne pas montrer ce qu’elle ressentait, elle ne cacha pas vraiment cette surprise. C’était trop inattendu pour que son esprit mette en place un quelconque stratagème, alors qu’elle dévisageait désormais William. C’était comme si elle voulait s’assurer qu’il était sincère, tandis que son subconscient restait toujours à l’affut du moindre faux semblant, même quand il n’y avait pas lieu d’être.

— Comme d’habitude de toute façon. À croire qu’il ne peut pas en être autrement.

Finalement, elle avait retrouvé son détachement naturel, refusant d’admettre que si, il pouvait en être autrement et en partie grâce à elle. Katherine n’ayant pas l’habitude de se reprocher quoi que ce soit, se considérant bien souvent dans son bon droit, elle estimait que c’était les autres qui contribuaient à la mettre en porte à faux. Pas l’inverse. Et donc, elle ne pouvait envisager qu’en essayant de changer, les choses évolueraient mieux par la suite.

— Je serais toujours en tort quoi que je fasse, alors faut bien s’y habituer. Ça ne sera pas la dernière fois que ce sera « brutal ».

Il est vrai que le coup de gueule avait été violent sur l’instant, mais surtout parce que Kath’ ne se laissait pas faire et n’hésitait pas à répliquer, même si cela signifiait jeter de l’huile sur le feu. Et encore, cette fois-ci, elle s’estimait chanceuse. Car si d’habitude les échanges brutaux étaient avec sa sœur, elle n’avait pas été de la partie pour le moment. C’était d’autres, avec d’autres responsabilités qui l’avaient reprise, mais l’adolescente n’était pas naïve, elle savait que ça arriverait aux oreilles de son aînée. Elle était leur « chef » après tout. Tout lui revenait toujours.

— De toute manière je sais que je vais avoir le droit à la morale par ma sœur. Encore un beau discours sur ce qu’il faut faire et ne pas faire.

Une pointe de sarcasme avait trouvé une place dans sa voix. Katherine aimerait avoir d’autres relations avec sa sœur, mais là aussi, c’était à croire que c’était impossible. Avant, l’adolescente avait eu ses parents pour s’assurer qu’elle puisse toujours garder son cocon de confort et pour la défendre en cas de besoin. Mais ils n’étaient plus là, pris par l’épidémie et si elle n’en disait rien, la plus jeune avait encore du mal à le digérer. C’était injuste et cela se ressentait dans son attitude au quotidien.

Le calme revenait toujours après la tempête, disait-on, et c’était actuellement le cas pour Katherine. Après son échauffourée verbale, elle était rincée, et cela favorisait son calme auprès de William. De toute façon, elle n’avait rien contre lui, donc n’avait aucune raison d’être sur la défensive, et même si elle le voulait, l’adolescente était certaine qu’elle n’en aurait pas l’énergie. Heureusement, avec son beau-frère, les discussions étaient souvent plus « cools » qu’avec sa sœur ou d’autres de la communauté. Kath’ se sentait chanceuse à ce sujet et elle avait ainsi été soulagée de le voir. Avec d’autres, la brune aurait certainement quitté les lieux pour rester tranquille. Alors que là, elle pouvait peut-être en profiter pour se changer les idées et passer à autre chose.

Dans un sens, il disait juste et elle était d’accord avec lui. Mais sur le fait, Katherine avait déjà essayé de ne pas tout de suite monter dans les échelons, mais elle avait cette impression que l’on cherchait continuellement la petite bête avec elle. Comme si on lui reprochait ce qu’elle était au-delà de ses actions.

— C’est normal, c’est plus simple de rejeter la faute sur les autres plutôt que de trouver une solution qui plait à tout le monde ou d’accepter qu’on soit tous différents.

Une vérité qui s’appliquait autant aux autres qu’à elle-même. Katherine n’hésitait jamais à rejeter la faute sur les autres, s’en servant pour essayer de se démêler de toute situation catastrophique. Mais ça, même si elle le savait, elle avait beaucoup de mal à le reconnaître, préférant user de toutes ses possibilités pour ne pas endosser la responsabilité de ses propres bêtises. Ou simplement de ses actions, quand celles-ci ne sont pas préjudiciables, mais pas acceptées par les autres.

Cependant, il y avait une nuance que la jeune Shadowhunter reconnaissait. Depuis qu’ils avaient dû fuir une épidémie, Katherine avait l’impression que beaucoup plus de monde était sur les nefs. Or, ça n’aidait pas à garder son calme.

Son esprit quitta pourtant cette idée, alors que William évoquait le fait qu’elle puisse s’emporter trop vite. Le caractère tempétueux de la Vane n’était pas méconnu, bien au contraire. Mais ça avait toujours été ainsi, même avant cette fin du monde qu’ils vivaient. Katherine était un véritable cyclone, qui prenait la mouche au moindre grain de sel. Une conséquence de la protection que ses parents avaient eue envers elle, et qu’elle ne cherchait guère à changer.

— Ils me cherchent aussi, je ne sais pas, ils peuvent me laisser vivre tranquillement, ça ne leur fait rien quand je rentre sans qu’il y ait d’incidence.

Et c’était certainement ce qu’elle redirait à Amara par la suite, une fois qu’elle se confronterait à son aînée. Une confrontation qui pouvait pourtant différer face aux propos de William. Encore une fois, il avait raison. Il lui arrivait de parler avec celle qui dirigeait leur groupe, sans que cela ne monte immédiatement dans les tons. Mais ce n’était pas vraiment une généralité et cela avait toujours été tendu entre les deux, dont les avis divergeaient sur ce que devait faire la cadette.

Quand il proposa d’interférer, Katherine secoua négativement la tête. En soi, cela ne la dérangeait pas, mais elle avait toujours géré seule et ne voulait pas non plus qu’on puisse lui reprocher de ne pas assumer. Ni même d’avoir le moindre rôle en cas de tension naissante à son sujet au sein du couple.

— Laisse, je vais encaisser comme d’habitude. Ne va pas te prendre la tête pour moi, je préfère éviter de devenir un sujet de discorde entre vous.

Il y avait tellement de problèmes à gérer, que l’adolescente ne voulait pas en ajouter un énième. De plus, elle espérait passer entre les mailles du filet si d’autres affaires plus sérieuses remontaient aux oreilles d’Amara. Un maigre espoir, pourtant présent et qui lui permettait de chasser toute angoisse naissante. C’était pour cela que Katherine appréhendait rarement la confrontation, car elle avait toujours cette lueur d’avoir un moyen de s’en sortir sans conséquences.

— Elle ne pense peut-être pas à mal, mais elle ne peut pas me demander d’être ce que je ne suis pas. Je suis désolée, mais je ne serais jamais ce petit soldat si parfait, et personne ne peut m’obliger à l’être. On a encore le droit de choisir ce qu’on veut être, non ?

Étrangement, elle parlait avec calme. En fait, Katherine ne s’emportait que très rarement face à William, car elle avait cette étrange impression qu’il pouvait la comprendre. L’adolescente acceptait d’entendre que son aînée devait appliquer le même traitement avec tout le monde, mais encore une fois, leur confrontation à toutes les deux remontaient bien avant que la Whitelaw devienne la meneuse de leur groupe.

— Pourquoi tout semble si compliqué ? Maintenant que l’institut a disparu, j’espérais qu’on me laisse tranquille, mais c’est à croire que non. Sérieusement, des fois je regrette d’être née comme ça.

Il lui était arrivé d’envier la vie de certains humains, qui n’avait à se soucier de rien d’autre que de leur quotidien. Katherine appréciait d’être une Shadowhunter, mais ce n’était pas un rôle qui lui convenait, ni même qu’elle avait envie d’accomplir. Ses ambitions étaient ailleurs, mais ça, elle avait toujours cru qu’on ne lui laisserait jamais le choix de prendre la voie de ses rêves.